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Le XIXème des De Crécy...
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Le XIXème des De Crécy...
18 janvier 2008

Anecdote sur Agathe et Mr de Montbistou, rencontre avec Alexandre de Dytremore, ... par Inés

20 décembre 1823                                                                                  Bouvreuil.

                                                           Ma chère Cousine,

            Je suis heureuse de recevoir de vos nouvelles car je m’apprêtais justement à vous écrire aujourd’hui. Ce matin, quand j’ai reçu votre lettre, j’ai appris qu’un de vos laquais était tombé malade en cours de route. J’espère que sa maladie ne fut point la trop grave, car l’insistance avec laquelle j’attendais votre lettre serait alors jugée d’une certaine inconvenance de ma part. Comme vous vous en doutez, je ne donnerais point libre champ à un tel empressement s’il n’y avait de profondes causes qui me poussent à me conduire comme tel.

Figurez-vous qu’il y a une semaine environ, alors qu’Erwan nous rendait visite à Bouvreuil dans l’intention de régler quelques derniers détails de notre expédition prochaine, je reçus la visite… Devinez qui dont il s’agit… Oh je ne puis me résigner à vous faire languir tant l’histoire que je m’en vais vous conter, me paraît étonnante et non pour le moins amusante… Mais vous l’aurez certainement compris, mon histoire parle d’Agathe Laboursein…  Qui d’autre que cette chipie n’eut pu penser qu’une personne recevant des invités, même si dans la situation présente, il s’agissait de proches, il eut mieux fallu s’abstenir de lui rendre visite, ne serait-ce même si elle eut oublié ou négligé toutes bonnes convenances, d’une dignité à ne point paraître extravertie et licencieuse ? Mais je ne vous ennuierais point là avec de si futiles détails. Le véritable objet de sa visite, vous pouvez le soupçonnez, n’en était ni plus ni moins, non pas d’une intention courtoise, mais d’une importance, à ce qu’elle pensait et nommait être, l’accomplissement certain d’un bonheur matrimonial. J’aimerai que vous eussiez compris que l’intéressé de cet accomplissement d’une envergure dérisoire n’était autre que ce cher comte Roland de Montbistou. Cependant, avant que je ne vous rapporte avec précision le récit de cet amour croissant, il faut que vous sachiez que ce ne fut point là le résultat d’une simple rencontre et qu’ils se virent, tous deux conviés, en d’autres circonstances et en de pareilles occasions à se retrouver lors de certaines soirées et bals organisées par les familles aristocratiques et bourgeoises du voisinage. Je puis en attester, étant moi-même aller à quelques une de ces festivités. Pourtant Dieu sait qu’elles ne m’inspirent que le goût d’une extravagance outrancière et hypocrite. Néanmoins, nous ne tiendrons point compte ici de mes fantaisies puisque notre protagoniste n’est autre que notre chère Agathe. Si vous saviez, ces fois ou je fus présente, le plaisir indiscipliné qu’affichait Agathe quand le comte apparaissait ! Je ne saurais qualifier la conduite de ma compagne tant son attitude revêtait si peu la convenance et la pudeur prescrite ! Ses yeux pétillaient, non pas de cette beauté exquise que se plaise à décrire certains romans sentimentaux, mais comme ces bêtes de basse cours à la vue de leurs grains versés dans leur auge. Non, me direz-vous encore, vous n’oseriez tout de même comparés une bête et une jeune fille de bonne famille ! Et pourtant si, je l’ose. Pouvons-nous réellement prétendre que parce qu’une personne étant née dans le bon foyer puisse faire exception à la comparaison de son esprit à un animal, une autre, pauvre et mal aisée dusse subir le sort inverse ! Non, Rosalie, et je suis sure que vous en conviendrez, chaque homme est égal bien que certains bénéficient de privilèges que d’autre ne disposent pas. Mais que savons-nous de tout cela en réalité ? Peu de choses, car l’on ne nous apprend guère en quoi le partage des classes sociales est ou n’est pas  équitable. Ce qui est fortement dommage étant donné la pauvre réponse que je vous fournis et de mon intérêt pourtant vif pour le sujet. Enfin, il n’en est là que le fruit de  l’observation du comportement de ma camarade Laboursein. Compte tenu de détails trop intimes, je ne relèverais de ces rencontres que l’échange de regards langoureux et de mots ardents qui n’eussent du paraître en de si brèves retrouvailles. Je me rappelle tout particulièrement d’un dîner, organisé par la famille d’Alyssa de Rostellot ou le comte et Agathe, assis en face l’un de l’autre parlaient avec cette animation qui caractérise l’entrain propre, je vous ferais remarquer, aux amants passionnés. Je surpris quelques unes de leurs paroles qui, je l’avoue me tinrent muette. Et je profitais de ce semblant de mutisme pour n’écouter que ces deux voix qui faisaient échos entre elles :

" Comme vous me semblez à votre aise, en ce jour ma chère Mademoiselle  Laboursein !

- Vous-mêmes n’êtes pas en reste monsieur le Comte !

- Comment ? Vous ne pouvez donc toujours pas vous résoudre à m’appeler Roland, ma très chère Agathe !

- Oh Monsieur, vous me rendez toute chaude… oh pardonnez moi mon état de confusion… Je voulais dire toute chose…

- L’état de confusion vous sied si bien, ma bonne amie.

- Oh Monsieur, ce ne sont pas là des mots à dire à une simple jeune fille de ma condition et en un tel instant !

- Que craignez vous de ma conversation, ma petite ? N’eut-il fallu que vous vous nommiez Agathe Laboursein- j’insisterais au passage sur le nom de famille- que vous eussiez vingt deux ans, que vos cheveux ne fusse pas bruns auburn, et que vous ne fusses malencontreusement ma compagne de tablée et je ne vous eusse pas adressez la parole ce soir comme en ce moment !

- Monsieur, vous ne connaissez pas vos limites, et je ne saurais dire qu’elles me déplaisent ! "

A cet instant, alors que nous était servis un met exotique fort peu gustatif au premier coup d’œil, et que je portais à mes lèvres, un verre de muscat, je ne puis accomplir mon geste voulut. Le rire fusait déjà silencieux dans les canaux de ma gorge. Je pensais que cela ne fut point sans se faire remarquer quand ma voisine de gauche, une dame d’un certain âge, me demanda :

" Etes-vous sure de vous sentir bien ma chère ? Vos joues sont d’un rouge inquiétant. "

Je me repris alors, feignant une malencontreuse toux échappée d’une absorption rapide de muscat.

" Merci madame de vous enquérir de ma santé. Mais je ne puis vous permettre de vous soucier plus longtemps de moi. J’ai été sotte de pouvoir croire terminer si rapidement ma coupe. "

Cette aimable voisine renseignée sur mon compte, se tourna vers son voisin et je pensais pouvoir m’intéresser de nouveau au couple indécent sans attirer de nouveau l’intention sur ma personne. Mais à peine ma voisine s’en était retournée qu’elle m’adressait de nouveau la parole, conviant son voisin de droite à prendre part à notre discussion :

" Inès de Crécy, permettez-moi de vous présentez mon neveu, le duc, Alexandre de Dytremore.

- Enchanté, répondais-je n’écoutant et ne m’intéressant guère à cet homme, trop absorbée à reporter mon intention sur Agathe et le comte. 

- Permettez-moi d’en dire autant.

- N’êtes-vous point d’avis, mon cher, que notre jeune campagne semble distraite ?

- Ma foi, ma tante, je ne me permettrai pas de le dire… "

            Ces simples mots, prononcés furtivement mais distinctement, je me retournais, étrangement captivée par la voix grave et mélodique d’où ils émanaient. Je ne saurais dire ce qui eut pu à cet instant enchanter mon intérêt. Une effroyable sensation d’un trouble obscur menaçait mes tempes. Je pense qu’une gène me fit prendre conscience, tout simplement, de mon impolitesse à l’égard de mes deux locuteurs. Je m’accordai à leur prêter attention quand toutefois, je vis le duc, non pas son visage, mais sa personne, tournée vers une autre, ayant certainement préféré une conversation partagée que solitaire. Mon autre voisine, elle-même, me jeta le temps d’un instant un regard courroucé pour enfin reporter son intention sur le service des Rostellot. Je me sentis, à cet instant, pensez-vous, horriblement froissé de ces attitudes qui je reconnais, bien que rancunières n’en étaient néanmoins  justifiées. Aussi je vous prie de m’excuser sur le pauvre recueil de mots que se sont échangés ce soir là Agathe et Roland de Montbistou.  Excusez ma curiosité et la dispersion de mes intérêts de ce soir là.

            

Cependant, aussi pauvre que puisse l’être ces informations, vous en aurez assez vue, il me semble pour vous faire une idée de la relation qu’entretiennent le comte et Agathe depuis voilà trois semaines environ. Je ne crains hélas qu’il ne s’agisse pour le comte que d’un état d’esprit précaire, d’un simple escapade plaisante plutôt qu’une inclination profonde et assujetti aux embrasement passionnées. Qu’a cela tienne ! Je tiens seulement à ce que son admiratrice ne lui témoigne point trop d’attachement et de respect. Ce qui malheureusement, serait fort peu connaître le caractère naïf et irréfléchi d’Agathe Laboursein ! Quand d’autres se résolvent à agir avec circonspection, cette frivole née se croit autrement lotie, et pense agir comme bon lui semble, avec mégarde et inconsidération. Je ne parlerais point de ce comportement comme spontané car la spontanéité me parait estimable par la vivacité d’esprit qui l’y encourage. Mais permettez moi, dés à présent de vous relater le contenu des propos que me tint Agathe lors de sa dernière visite. Elle m’apprit que le comte la conviait, elle et quelques bons amis, à séjourner pour une durée approximative de deux mois dans sa maison de campagne située près de Genève, il me semble. Vous y attendiez-vous. Je persuadais du reste Agathe de ne point trop se faire d’illusion quant à cette invitation. Que cela ne devait l’inciter à y entrevoir quelques messages enclins à toutes attentions particulières. Mais cette pauvre âme en est si éprise que je ne pus lui faire entendre raison. Qu’y pouvons-nous ?

Me reprocherez-vous d’un manque d’efficacité ?

Je souhaite maintenant vous parler de ce cher papy Emile ! Me voyez-vous navrée de la consternation que son comportement engendre dans votre famille. J’ajouterais qu’elle est similaire à celle que nous partageons à Bouvreuil. Hélas, que pouvons-nous entreprendre contre ces personnes d’un certain âge et que la solitude torture leurs souvenirs heureux ? Pour ma part et vous en serez certainement fâchée, je trouve pourtant notre grand-père peu commun et original ! Pour ne rien vous cacher, il m’amuse ! Nous pouvons au moins nous assurer qu’il s’agit là d’un grand personnage ! Ce qui m’amène à penser que notre vie n’en est finalement que plus égayé. Qu’en serait-il autrement ? Je vous y laisse méditer avec toute la sagesse dont je ne saurais faire preuve en cet instant ou je vous écris.

            Je suis d’autre part étonnée de ce que votre première inclination ne reste soldé sur un échec. Mais je me plais à penser que vous vous satisfaisiez  du présent et que ce cher Aristide connaît un parfait bonheur sans vous, défait de tous regrets et tristesse de vous avoir perdue. Vous comprenez là que je vous taquine, chère Rosalie, hélas je ne puis m’en empêcher. Je vous promets néanmoins de faire quelques efforts pour m’absoudre de ce vilain défaut dans mes prochaines lettres. Je tacherais également d’adopter un style plus modéré comme m’y encouragent vivement mes parents. Me trouvez-vous tout particulièrement insolente ?

Enfin, je tiens à vous féliciter de l’enseignement que vous apportez à votre sœur. Nous reçûmes en effet la visite d’Eléonore qui me parait, je vous dirais, considérablement changée. En bien, je vous rassure. Que son tempérament semble s’être affermit et consolider ! Ce qui est similaire, me reprocherez-vous. Remerciez la, bien que nous l’eûmes fait, de sa visite qui fut particulièrement apprécié de votre tante Solène ! Maman la trouve charmante et agréable à l’écoute. Nous l’avons tous encouragée et réconfortée pour son premier bal qui se déroulera, comme elle nous l’a averti, dans 2 jours. Certes, je la sens légèrement tendue, mais c’est bien normal, je l’étais moi-même lors de ma première sortie dans le monde.

Je vous encourage encore une fois, et je ne crois me tromper en y pensant que ce ne sera pas la dernière fois, à instruire Amanda de la même façon.

Quand à ce qui vous tenait à cœur, pour finir : le mariage de votre frère. Vous vous rappelez avec une telle exactitude ma chère Rosalie… Avec quel enthousiasme ! Comment pourrai-je me permettre de vous en blâmer. Bien au contraire, votre attitude me ravit et m’est exemplaire. Pour ma part, il est vrai que j’eus fort apprécié toutes ces festivités, ces cœurs épris et tout ces beaux mots d’amour. Cependant… Oui, nous deviniez là un cependant, avant même que je ne l’eus prononcé. Vous me connaissez. Cependant j’eus fort regretté que je ne pusse pas plus agir de ma propre pensée en ce jour cérémonial. Mes parents depuis quelques temps me trouvent fort peu raisonnable et me jugent trop téméraire en de certaines occasions. Ils me surveillent donc avec plus de considération qu’autrefois. Qu’il est loin le temps de notre enfance et de notre liberté. Ne le sommes-nous donc pas éternellement ? Je me plais à penser que si, mais plus de la même façon… Vous savez qu’il n’est nul sacrifice que je n’accomplirais pour me bien tenir auprès de ma famille mais il m’est des jour ou mon effronterie se réveille avec une emphase chaque fois obtus que la précédente.  Ce jour-ci, et je vous prie de me pardonner de ma propre malséance et que je sais reprocher à autrui et que j’accepte si mal dans mon propre cas.

Je vous parlais dans ma dernière lettre comme de la dernière que je vous écrivais de Bouvreuil. Remarquez que je me suis trompée, espérons que cela ne m’arrive plus. Ainsi je vous assure une nouvelle fois de cette lettre comme de la dernière écrite de Bouvreuil.

Je vous prie d’adresser mes sincères et chaleureuses pensées à mon oncle, ma tante, cousins et cousines.

Affectueusement, Inès de Crécy.

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